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l'atelier de flanelle
31 décembre 2010

Éducation à l'image - Violence & censure

Quelques extraits choisis d'autant plus arbitrairement que je ne me sentais pas de tout recopier d'une de mes dernières lectures :

"Un enfant peut tout voir à condition d'avoir eu la possibilité de construire sa place de spectateur. Or cette place est longue à construire. Il faut donc en conclure qu'un enfant ne peut pas tout voir s'il n'est pas soutenu par la parole de ceux qui voient avec lui et qui eux-mêmes doivent avoir appris à voir. L'image n'est pas un esperanto accessible  à tous et à chacun. L'image en tant qu'objet passionnel est toujours violente, reste à savoir la force ou la faiblesse qu'on en tire. La violence d'une image donne de la force tant qu'elle ne dépossède pas le spectateur  de sa place de sujet parlant. Voir avec d'autres, voilà la question puisque l'on voit toujours seul et qu'on ne partage que ce qui échappe à la vue. C'est ce qui se tisse invisiblement entre les corps qui voient et les images vues qui constituent la trame d'un sens partagé, d'un choix dans le destin des passions qui nous traversent. Cela se joue sur l'écran et n'est pas visible sur lui. L'atopie de l'image au coeur des visibilités nous met en demeure de produire l'invisible, ce que tous disent avoir vu et que le visible n'a pas montré. Une salle de cinéma est au sens fort une salle d'attente."

"La bonne distance ou la place du spectateur est une question politique. La violence réside dans la violation systématique de la distance. Cette violation résulte  des stratégies spectaculaires qui brouillent volontairement ou non la distinction des espaces et des corps pour produire un continuum confus où s'égare toute chance d'altérité. La violence  de l'écran commence quand il ne fait plus écran, lorsqu'il n'est plus constitué comme le plan d'inscription d'une visibilité en attente de sens. Ce qui colle aux yeux n'est pas vu, ce qui colle aux oreilles n'est pas entendu, c'est à distance seulement que se mesure la chance offerte aux yeux et aux oreilles de voir et d'entendre quelque chose."

"Ce qui est violent, c'est la manipulation des corps réduits au silence de la pensée hors de toute altérité. Jamais les hommes ne sont aussi seuls que lorsqu'ils fonctionnent comme Un. Le rassemblement domestique ou public de spectateurs qui produit dans le même mouvement la communion et l'exclusion (l'excommunication), voilà le problème majeur posé par l'usage des écrans dans la construction d'une communauté aux prises avec ses passions. Le pouvoir veut toujours contrôler l'amour et la haine, et, dans la mesure où l'émotion visuelle a affaire à ces passions-là, le dispositif qui montre, la forme choisie pour montrer, la place donnée à la voix, le risque pris dans un cadrage, un montage, sont autant  de gestes politiques où s'engage le destin du spectateur dans sa liberté même. La censure ne pourra jamais se substituer par ses décrets à l'éducation du regard et à l'exigence éthique des productions."

"Il est plus facile d'interdire de voir que de permettre de penser. On décide de contrôler l'image pour s'assurer du silence  de la pensée, et, quand la pensée a perdu ses droits, on accuse l'image de tous les maux, sous prétexte qu'elle est incontrôlée."

Marie-Josée Mondzain. L'Image peut-elle tuer ?. Paris : Bayard. 2002.

Rien à voir avec les travaux d'aiguilles, je vous l'accorde, mais c'est une grande part de mon existence à l'heure actuelle, les théories de la communication (au sens large)...

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